
Je suis obsédée par les disparitions d’enfants. Je crois que cela remue une peur profonde chez moi, depuis fort longtemps, parce que j’ai grandi dans une France arrosée de faits divers sordides. Je voyais les théories sur le petit Grégory dans les magazines posés dans les toilettes et les affiches d’Estelle Mouzin placardées aux péages — alors qu’elle et moi, on avait deux ans d’écart seulement.
Quand j’étais enfant, ça me faisait peur. Quand j’étais ado, ça me faisait peur. Quand je suis devenue adulte, ça m’a terrifiée.
Amatrice de films d’horreur et de sensations désagréables, j’ai donc été immédiatement séduite par la bande-annonce : une petite voix enfantine inquiétante nous raconte cette disparition d’une classe entière à 2h17 un matin, et puis apparaît ce portrait vague et mystérieux de la prof’ d’apparence un peu niaise qui subit le lynchage collectif. Parfait pour s’angoisser en plein été ! Je m’attendais à prendre des places pour le train du jump scare et du grotesque, parfum hémoglobine en supplément.
Et j’ai pris le train du conte horrifique.
J’ai vécu cette histoire — car je l’ai vécue sans retenue — comme un conte, qui aurait été rédigé par une hybride sorcière cousine de Roald Dahl et Stephen King. Certains passages sont en effet effrayants et génèrent le sursaut tant convoité, les critères du cinéma d’horreur sont bien remplis et j’imagine qu’il y a du grotesque dans tout cela, dans la violence, les cris et les silences tendus. Mais moi, j’ai été touchée par ce récit horrible car, malgré le fantastique dont il est imprégné, il peint des réalités cruelles. Evanouis de Zach Cregger est un film à deux lectures : non, bien sûr que non, ça ne pourrait pas arriver en vrai, ce genre de choses. A moins que…
N’a-t-on jamais vu un enfant détenir un secret lourd dans un profond silence ? Ne disparaissent-ils pas si souvent après avoir fait la mauvaise rencontre ? N’existe-t-il pas ce bourreau qui débarque un jour et bouleverse la vie d’un enfant ? Les adultes ne sont-ils vraiment jamais manipulés par ces créatures insatiables amatrices de chair fraîche ?
Evanouis m’a séduite car, tout comme le ferait un conte, il utilise les artifices clinquants du fantastique pour parler de la réalité, et ici de la maltraitance, de l’abus et du joug du secret dans l’enfance. Et le grand frisson, pour moi, il était là.
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