
Le 23 mars 2025, j’ai lu un article de Ingannmic sur L’hospitalité au démon de Constantin Alexandrakis et je l’ai aussitôt ajouté à ma liste de souhaits. Le 12 octobre 2025, j’avais la bombe entre les mains. Le 18 octobre 2025, elle m’avait explosé à la figure. Et quand j’ai refermé la dernière page, j’ai pensé : « Tu ne vas jamais pouvoir en parler ».
Voilà un livre peu recommandable que j’ai envie de mettre entre les mains de tout le monde. Et surtout, qu’on ne me pose pas de questions. Et pourquoi voudrais-je que tout le monde le lise ? Parce qu’il l’a dit. Cela fait plus d’un mois que j’y pense : Constantin Alexandrakis s’est sacrifié sur l’autel de la sincérité, écrivant des choses que je n’avais jamais lues, pleines de bon sens, de repentance, de justesse et de justice.
Je n’avais jamais eu accès à un tel témoignage sur les abus subis dans l’enfance. Le cadre imaginaire posé par l’auteur, presque fantastique, un Danemark étrange avec aurores boréales, ranchs et insupportables réalités, crée un espace de confession brumeux étrangement efficace. Le narrateur devient Père, et il raconte quelques souvenirs affreux sur tous les tons, de l’humour à la folie, de l’exaspération à la tendresse, et son obsession le mène à fouiller dans les histoires des autres et à nous les raconter. Il n’y a rien de sale dans la démarche, pas de scandale, pas de voyeurisme, pas d’apitoiement. Mais souvent, souvent ai-je songé « jamais je n’aurais osé ».
Finalement, on est là tous ensemble, lecteurs et narrateur, dans un vestibule plus lumineux que mon article, à discuter de Lolita de Nabokov ou de David Hamilton, pendant que sa petite fripouille de fille hurle en arrière-plan comme si elle était le centre du monde — et elle l’est ; on dissèque les sentiments pas beaux, les séquelles gênantes et on se parle en « toi-aussi-tu », on se montre nos démons, multiples démons aux formes bigarrées mais faits du même bois, on les accueille et on est moins seuls.





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