
Le seigneur des anneaux et moi avons une histoire inutilement compliquée : quand j’étais adolescente, les films me menaient au mieux à l’engourdissement, au pire à l’endormissement. Pour moi, c’étaient des elfes et des gobelins qui se faisaient la guerre, et ce n’était pas suffisant. Puis il y a eu l’invitation. J’étais déjà adulte, active, pleine d’idées préconçues, et on m’a conviée à un marathon Seigneur des anneaux, en version longue, en présence d’inconnus. Des films qui m’endorment, des gens, une sociabilisation longue durée : j’ai signé pour mon pire cauchemar — parce que la curiosité me domine toujours. Je garde de ces journées et soirées pleines d’images un souvenir tendre. C’est là, dans cette petite pièce, à manger des frites avec les doigts, que la magie a opéré. J’ai été subjuguée, j’ai découvert toute la beauté de l’œuvre, j’ai peu dormi ce week-end là et j’ai un peu grandi.
Longtemps j’ai repoussé le moment de le lire, découragée par les commentaires de ceux qui avaient échoué et moi-même échaudée par mes échecs lorsque je tentais humblement la lecture du Hobbit. Je me disais : « je le lirai un été, quand j’aurai du temps devant moi ». Et cet été fut le bon. Tandis que je naviguais sur l’insatiable océan des blogs, je suis tombée sur le challenge « Épais de l’été 2025 » chez Dasola. J’ai frémi de motivation. Puis, j’ai découvert les chroniques de la Belette sur le Seigneur des anneaux, et j’ai cédé à la tentation. Je pensais que je n’y parviendrai pas mais je l’ai fait : j’ai lu les trois tomes cet été, j’ai emmené la petite fraternité partout où j’allais, ils étaient dans mon sac quand j’ai mis le pied sur le sable, ils étaient dans mon sac quand je vagabondais sur des ponts ou quand je regardais avec un niais émerveillement des maisons à colombages.
J’étais si investie dans cette lecture que j’avais comme une double vie : littéraire farouche le jour, guerrière intrépide la nuit. J’ai vécu mille angoisses sous les draps, j’ai eu peur des orcs qui maugréent dans l’obscurité, j’ai été effrayée par le cri déchirant des Nazguls, j’ai été courroucée, scandalisée par les intrigues politiques mais j’ai aussi été peinée, émerveillée, surprise parfois et même… sentimentale.
J’ai été emportée dans cet univers qui était si riche, si dense qu’il en devenait palpable ; à tel point que, le plus difficile dans cette entreprise de lire Le seigneur des anneaux de Tolkien, ce fut de tourner la dernière page et de dire adieu aux amis que je m’étais fait.
Je peux dire aujourd’hui que Le seigneur des anneaux, qui m’a tant ennuyée autrefois, engendre en moi une tendresse infinie et ravive avec force mon amour de la lecture.

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