Les romantiques comme moi aiment le train. Je nous ai vus, on est nombreux à apprécier cette pause, quand il n’y a pas de gamin hurleur en pleine crise existentielle à côté de nous. On se balade parfois même avec le petit carnet de circonstance ou on écoute des musiques dramatiques en regardant le paysage défiler et on y est si bien que lorsqu’on s’arrête enfin à la gare, on a l’impression de sortir d’une séance de cinéma : on est un peu sonnés, un peu perdus, on a besoin de temps pour retrouver la vraie vie.
Moi, je suis une grosse curieuse. Si tu es à côté de moi, je louche sur tes affaires pour savoir qui tu es, ce que tu fais, où tu vas et pourquoi tu y vas. Ne t’inquiète pas, je suis tout à fait polie et silencieuse — discrétion assurée. Donc, Au prochain arrêt était parfait pour moi : la couverture bleue et rose, le train, les personnages que l’on croise et que l’on devine, c’est ma tasse de thé.
Tranche de citron sur le Earl Grey : l’une des premières femmes que l’on croise dans les wagons est fracassante, dans sa tenue de convive de mariage scandaleusement blanche. Je l’aime exagérément. Elle renverse les codes de la femme japonaise, en subit les conséquences et s’en moque. J’ai l’habitude, depuis quelques années déjà, de lire des romans japonais et rares sont les personnages féminins qui osent sortir du cadre social japonais. La discrétion, la résilience, la politesse étouffantes ne peuvent écraser cette demoiselle. Et ça me change.
La construction narrative est classique, le motif littéraire certes vu et revu : des destins se croisent dans un train, s’influencent parfois, se distancient ensuite. Mais Au prochain arrêt de Hiro Arikawa possède un charme frais. La lecture est simple, agréable ; la plume de l’auteure aussi légère qu’acide. C’est un petit roman charmant à emporter avec soi — mais peut-être pas dans le train, vous risqueriez de rater ce que font les autres. Comment ça, vous n’êtes pas des pies curieuses, vous ?
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