
J’étais en train de rôder dans le grand hall bleuté de mon cinéma préféré quand j’ai remarqué l’affiche, étalée en grand, sur le mur de droite : le fond rouge foncé et les quatre personnages vêtus de couleur sombre m’ont intriguée, même si j’ai surtout regardé avec envie les chaussures chics de Claudia Kim. Ces visages fixes, austères et impassibles, ces petits souliers noirs pointus, et ce rouge, digne d’un brun de momie, m’ont fait dire : « tiens, j’irai voir ce film ».
En attendant la séance du film pour lequel j’étais venue, j’ai vu la bande-annonce de A normal family de Hur Jin-Ho et j’ai compris qu’on allait servir dans mon assiette tout ce que j’aime : des frères en conflit, des parents qui doutent, des adolescents qu’on devrait peut-être détester, des classes sociales qui s’entrechoquent, à travers une intrigue simple : deux familles pensent reconnaître leurs enfants sur une vidéo où un SDF est battu à mort. Communiquer, protéger, dénoncer, accompagner : qu’est-ce qu’on fait ?
Sur moi, le film a fonctionné. J’ai été captivée du début à la fin, j’ai été prise de doute et mon cœur cynique a apprécié chaque tache sombre qui pouvait ternir les mains des personnages. Personne n’est jamais propre, les héros n’existent pas et les dilemmes sont faits pour rendre fous. Moi, c’est ce que j’aime. La photographie est belle sans être spectaculaire, mais certains plans sont, sans jeu de mots, tout à fait savoureux.
Il y a un défaut récurrent que je ne supporte pas au cinéma et qui est souvent présent dans les films asiatiques : le non-dit insupportable, qui ralentit démesurément l’intrigue, nous prend en otage et nous frustre par des « mais pourquoi tu ne le dis pas, ça, bon sang ? ». Ce défaut-là n’y était pas et c’est toute la puissance du film. Les personnages se parlent, s’insultent, se déchirent, mettent les pieds dans le plat. Ils communiquent, ils vivent et ils ne font ni mieux, ni moins bien que nous — enfin, ce dernier point reste à voir, car tout de même, bon, je ne voudrais pas spoiler mais…
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