
C’était un soir consacré au football : il y avait une ambiance électrique dans les rues parce que le PSG jouait. Moi, je mangeais ma glace arrosée de chantilly, sur une petite terrasse improvisée, et j’ai compris l’engouement général après avoir vu des drapeaux, des t-shirts et des bières. Apparemment, c’était important. Mais pour moi, ce soir-là, ce qui était important, c’était de rentabiliser mon abonnement UGC/MK2 donc j’avais regardé la programmation de mon cinéma préféré et j’avais jeté mon dévolu, par dépit, sur The phoenician scheme de Wes Anderson.
Par dépit, hélas, car je ne suis pas cinéphile et que je n’avais vu de ce réalisateur qu’Asteroid City, qui m’avait laissée de marbre. Pour être plus précise, j’avais adoré la photographie et l’ambiance, mais quand je suis sortie du cinéma, j’avais aussitôt pensé : « Dommage que ce film ne soit pas muet ». C’est ainsi que pendant la fête générale, je suis allée voir The phoenician scheme, en me disant « au pire, tu te boucheras les oreilles ou tu quitteras la salle ».
Je n’ai fait ni l’un ni l’autre : j’ai passé un excellent moment. D’abord, j’aime ce genre d’images : les décors étranges, propres et finement agencés, la lumière et les couleurs vives, les effets de texture, les mosaïques et les peintures célèbres en fond. On a l’impression que chaque scène pourrait être une photo, tout le monde se tient exagérément droit, c’est artificiel à souhait : un univers absurde à la Ionesco se dessine — et j’y suis sensible. Les dialogues sont loufoques mais parfois d’une pertinence inattendue, presque violente. Il y a des magnats, des oligarques et des corrompus qui se sont pris quelques claques sur les doigts, dans la ronde douceur de blagues absurdes plus sensées que prévues. J’ai ri et soufflé du nez à plusieurs reprises. Il y avait en réalité beaucoup de légèreté, beaucoup d’humour et c’était très agréable d’être là, en présence de la fausse-prude Liesl, de l’empoté Bjorn et du tyrannique Zsa-zsa Korda ; je me suis sentie moi-même très en sécurité.
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