
Je n’aime pas les autobiographies. Parce que moi, figurez-vous, le pacte autobiographique selon Philippe Lejeune, j’ai beaucoup de mal à le signer : je n’ai pas confiance. Je préfère la fiction assumée, plutôt que la réalité — vaguement maquillée, presque enjolivée, peinturlurée de subjectivité — qui émane du genre autobiographique.
N’étant tout de même pas fermée au genre, je cherchai longuement des autobiographies dans lesquelles je trouverais un terreau un peu sale. J’entends par là : des confessions qui ne redorent pas son auteur et qui, par conséquent, seraient peut-être plus sincères que celles de Rousseau. C’est à ce moment-là que je suis tombée sur un extrait de La vie sans fards, dans lequel la narratrice raconte comment elle abandonne son fils Denis. Ainsi ai-je commencé à lire Maryse Condé : quel genre de femme peut bien avouer un abandon d’enfant et le publier ? Le genre de femme que j’ai envie de lire.
J’ai d’abord ouvert Le cœur à rire et à pleurer, qui donne de réelles couleurs au genre classique du récit d’enfance : la petite Maryse, insolente, essaie de s’épanouir dans une famille de Guadeloupéens privilégiés et lettrés, exigeants et fort mystérieux sur leurs origines et leur propre culture. La narratrice nous raconte la Guadeloupe, mais aussi la France, plus précisément Paris, et elle évoque la difficulté de grandir en tant que femme noire dans une famille guindée pour laquelle l’esclavage, l’Afrique, les Antilles sont presque des tabous : ici, mademoiselle, on est noirs et Français et plus instruits que les Français blancs.
Ensuite, j’ai lu La vie sans fards, parce que la fin du Cœur à rire et à pleurer laissait pour moi un furieux suspense. Dans ce roman-là, Maryse est grande, curieuse et elle veut découvrir l’Afrique, renouer avec le continent dont ses parents ne parlaient jamais : la voilà en Guinée, au Ghana, en Côte d’Ivoire, avec ou sans ses enfants, en étant une bonne ou une mauvaise mère, une affreuse ou délicate compagne… Mais la vie est dure et Maryse ne semble rien cacher. Parfois, elle admet s’être trompée. Maryse Condé est franche, toujours insolente, elle fait parfois n’importe quoi et elle le voit : elle se met nue sans jamais être obscène.
Maryse me raconte un parcours que je n’ai pas vécu mais éclaire pourtant des choses sur le mien. Elle me glisse à l’oreille des conseils et me donne envie de vivre dans ce grand foutoir qu’est le monde.
Alors, c’est ça, l’autobiographie ?
Leave a Reply