
Franchement, j’étais un peu honteuse d’admirer l’artiste sans admirer l’œuvre. Je me suis délectée des autobiographies de Maryse Condé, j’ai été inspirée par celles-ci, et par Maryse elle-même à vrai dire, mais je n’avais pas lu de romans de sa part. Les vrais pleins de fictions, ceux accouchés par l’imagination. Je me souvenais bien, pourtant, de ce roman qui était à mettre dans toutes les mains durant la tendance sur les sorcières, avec cette couverture magnétique chez Folio, sur laquelle une femme noire vêtue de blanc, sein nu, regarde vers la gauche. Alors, je me suis dit « lisons le livre que tout le monde a lu ». Et c’est ainsi que j’ai emprunté Moi, Tituba sorcière, noire de Salem.
Ayant moi aussi cédé à la mode sur les sorcières fut un temps, j’ai pu lire divers livres et essais sur le sujet : j’ai été souvent déçue, car la sorcière n’en est jamais vraiment une, ce n’est jamais qu’une figure, pour ne pas dire un mirage. On lit des livres avec « sorcière » en titre, dans lesquels il n’y a même pas son ombre, même pas une odeur d’encens… Mais chez Maryse Condé, c’est une histoire de sorcière assumée qui ondule sur les pages. Evidemment qu’il y a de la subtilité et des symboles ! Mais pas de timidité ici, il y a de la sorcellerie, des mauvais rêves et du fantastique. D’ailleurs, sous la plume de l’autrice, le fantastique est étrangement pragmatique, franc, nécessaire ; il n’est pas tour de passe-passe, il est un univers propre.
J’ai aimé suivre Tituba, la guérisseuse impertinente, de la Barbade à Boston. Vulnérable, la sorcière se perd par amour, rencontre la violence puis s’en sert, rejette ce qu’elle finira par dompter. Certaines scènes sont crues, d’autres sont belles ; Maryse peint une vie, celle qu’on a oubliée — ou qu’on n’avait pas cherché à connaître — celle de Tituba, l’esclave au service de Samuel Parris, l’une des nombreuses condamnées du procès des sorcières de Salem en 1692.
Le récit se dévore facilement, avec des thés aux épices et des plaids touffus, dans la fraîcheur de l’automne. Il n’est pas dénué de sens ou d’enseignement, pourtant il garde le charme des effrayantes et douces histoires de sorcières.





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