L’avis qui ne comptait pas.

L’enfance aux multiples facettes par Jean-Baptiste Greuze au Petit Palais

Le Petit Paresseux, Jean-Baptiste Greuze, 1755

Je n’aime pas les enfants. Je n’aime pas les enfants, de la même manière qu’il n’y a aucun groupe social que j’apprécie particulièrement. Je trouve toujours cela très étrange d’aimer « les enfants » ou « les animaux », comme si chaque individu parmi ces groupes avait un point commun avec les autres le rendant irrésistible : il y a des enfants sympa comme il y a des collègues sympa et d’autres qui sont insupportables comme peuvent l’être également certains collègues. Pour moi, « les enfants », c’est un ensemble d’individus vulnérables envers lesquels nous avons fatalement des devoirs. Pas de quoi s’émerveiller.

Et pourtant, je suis quand même allée voir l’exposition Jean-Baptiste Greuze : l’enfance en lumière au Petit Palais pour deux raisons : d’abord, Le Petit Palais est mon musée préféré par son architecture, son petit jardin et sa Bacchante, ensuite, parce que je venais d’acquérir le pass Paris Musée et qu’il fallait bien que je l’inaugure. Me voilà donc, un dimanche curieusement ensoleillé, étouffée dans un énorme pull rose, à patienter dans la file d’attente de l’exposition : car figurez-vous que les enfants, ça a son petit succès !

Il y avait trop de monde et mes yeux myopes, pourtant armés de leurs lunettes, ont peiné à lire les cartels. C’est esthétique comme présentation, certes, mais peu lisible, surtout quand on choisit une jolie police d’écriture pleine d’empattements idéale pour faire frémir les dyslexiques ! L’organisation et la présentation des œuvres m’ont donc déçue, en revanche, j’ai été agréablement surprise par les œuvres de Jean-Bapiste Greuze, peintre que j’ai trouvé étonnamment sain et même drôle dans sa manière d’interagir avec autrui.

Evidemment, le coup de pinceau est incroyable, la matière est belle à l’œil, la lumière, surtout, les contrastes, forcément ! Mais le plus important, c’est le regard amusé du peintre sur l’enfance. Trouvez-moi tordue, si vous voulez, mais j’avais peur de voir un confrère de Balthus ou Hamilton version XVIIIe siècle, mais pas du tout. Jean-Baptiste Greuze respecte l’enfance, la laisse à sa place, peint parfaitement ses couleurs, ses bêtises, les joues rouges et les jeux malicieux. J’avais le sentiment que le peintre aimait bien cette vie-là, pleine d’aventures entre les pommes renversées dans la cuisine, les chiots et les jouets de bois. Il peint la patience envolée sur le visage des mères avec un comique tendre.

Plus dramatique, il réserve quelques tableaux sur les souffrances de l’enfance : la découverte du deuil, les disputes familiales traumatisantes, l’exposition à la perversion de l’adulte. Ce dernier point sera sobrement exploré par un tableau nommé La cruche cassée, bouleversant par sa subtilité, sa dignité et son message. Devant moi, parmi ceux qui piétinaient, peu de gens se sont arrêtés sur le cartel et ont compris la tristesse de cette peinture.

la malédiction paternelle de j-b greuze, détail
Détail de La malédiction paternelle, Jean-Baptiste Greuze, 1777

Jean-Baptiste Greuze : l’enfance en lumière n’est pas une exposition incroyable dans sa composition mais elle a eu le mérite de me faire découvrir un peintre talentueux que je ne connaissais pas et, peut-être, de développer gentiment ma vision de l’enfance.  

Commentaires

2 réponses à “L’enfance aux multiples facettes par Jean-Baptiste Greuze au Petit Palais”

  1. Avatar de keisha41

    Je connaissais les deux tableaux que tu évoques, ça doit être les plus connus, forcément, sinon…
    J’aime bien le premier paragraphe du billet, à part ça (j’avoue aimer les chats, mais reconnais qu’ils ne sont pas tous aimables)

  2. Avatar de Jenevelle Laclos

    Haha merci, j’ai écrit ça et une petite voix m’a soufflé « et les chiens alors ? » mais oui, même chez les chiens, il y a des individus insupportables donc je maintiens mon propos 😀

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